La table du plaisir des jeunes !

Aujourd’hui , samedi, nous avons promis aux enfants d’aller faire un peu de shopping. Pierre a besoin de chaussures de sport pour ses entraînements de ping pong. Inès souhaite s’acheter une belle robe avec les sous qu’elle a reçus à son anniversaire le mois dernier. Le petit déjeuner se termine et l’excitation est déjà palpable, à l’idée d’ajouter ces précieux achats dans leurs armoires. Il est 10h, nous voici installés dans la voiture, direction le centre ville. La discussion commence :
– Les enfants, vous voulez commencer par quel magasin ?
– Mégasport, pour voir s’ils ont les nouvelles baskets Nike.
– D’accord, mais on ira chez H&M juste après, c’est juste à côté. Et au fait, on ira manger où à midi ?
– Pour vous faire plaisir, je veux bien que l’on aille dans un restaurant, sans que cela nous coûte trop cher.
– Est ce que l’on peut aller au nouveau McDo ? Il paraît que l’on peut maintenant commander sur des tablettes. C’est Margot qui m’en a parlé…
– Ah oui, et puis j’ai vu qu’ils avaient un nouveau sandwich à la raclette, il a l’air trop bon. S’il te plaît, est ce que l’on peut y aller ?
– Je vous avoue que je n’en ai pas trop envie… McDo n’est pas très bon pour la santé, vous le savez, et puis je ne sais jamais quoi commander.
– Mais ça fait super longtemps que l’on n’y est pas allé. On peut bien y aller une fois par mois sans tomber malade !
– et puis ils font des salades et des chaussons aux pommes, tu sais ?
– Bon d’accord, c’est bien pour vous faire plaisir alors…

Depuis combien de décennies maintenant, le plaisir de la table pour les jeunes se résume à aller au fast food, américain ou grec.
– Depuis que les fast foods nous inondent de publicités en tout genre, tantôt alléchantes avec des effets spéciaux holliwoodiens, tantôt rassurantes pour les parents en expliquant la qualité des produits…
– Depuis que les fast foods sont partout. Un kebab a remplacé le bureau de tabac de mon village. Et on compte aujourd’hui plus d’un Mc Donald’s pour 50 000 habitants en France.
– Depuis que la sortie au fast food est l’ultime marqueur « cool » parmi les jeunes, source de fierté avec les copains,
– Depuis que les parents luttent avec de mauvais arguments et finissent par céder envers leurs enfants, ce qui renforce finalement le sentiment de victoire et donc de plaisir en allant au fast food
– Depuis que les fast foods font tout pour rendre leurs locaux agréables et accessibles aux jeunes, ce que font rarement les autres restaurants
Parce que c’est bon ? Sans doute au moment de la mettre dans la bouche, oui. C’est chaud, coloré, très salé, très gras. Après des milliers d’année de lente évolution, notre corps est génétiquement programmé pour être grandement satisfait par cet instant de plaisir. Alors oui, c’est bon l’espace d’un instant. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils faut le manger vite ! En mangeant lentement, et en prêtant attention à nos sensations en bouche, au delà de la satisfaction immédiate, on se rend rapidement compte du vide… manque de texture, manque de saveurs profondes, manque d’aliments « lents » qu’il faut mâcher et qui vont ensuite mettre du temps à apporter du multiples nutriments à notre corps tout en nous donnant la sensation de satiété durable, sur fond d’excès du trio gras-sucre-sel qui saturent nos papilles.

 

Peut on rêver d’un 21ème siècle où la table du plaisir des jeunes n’est pas celle d’un fast food ?

Cela tient à beaucoup de petites choses :
– ne pas garder les fast foods pour les grandes occasions et les célébrations, pour ne pas les associer à la fête et à la joie,
– prendre le temps de discuter de ce que l’on est en train de manger à table chaque soir, de montrer aux jeunes comment toucher, sentir, regarder, goûter, décrire, … en un mot en développant l’esprit critique culinaire et gustatif des jeunes
– développer l’esprit culinaire et gustatif des jeunes quand on est dans un fast food, et donc discuter de ce que l’on est en train de manger, avant, pendant et après
– cuisiner avec les jeunes, des burgers biens meilleurs qu’au McDo, des sauces qui ont du goût, des plats qu’ils aiment et qu’ils ont envie de faire
– aider nos enfants à faire la différence entre une fraise de janvier et une fraise de juin, une courgette d’Espagne et la courgette du voisin, entre le hachis parmentier acheté tout prêt et celui fait avec eux !
– emmener les jeunes dans des vrais bons restaurants pour les jours de fête, et demander à ces restaurants de s’occuper dignement de nos jeunes en leur proposant une offre adaptée, ludique, saine et savoureuse !

A vos cuisines !

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