« Il faudrait devenir octobre, terre battue, voussure de la cave, pluie, attente. L’odeur des pommes est douloureuse. C’est celle d’une vie plus forte, d’une lenteur qu’on ne mérite plus. »
Dans son recueil « La première gorgée de bière » Philippe Delerm évoque des expériences sensorielles intenses issues de plaisirs simples du quotidien, souvent liés à l’alimentation. Chaque plat ou aliment goûté fait en effet l’objet d’une image sensorielle très complète. Face à l’apparente subjectivité du goût, des études scientifiques, notamment en neuroscience, révèlent que notre ressenti pour un aliment donné renvoie non seulement à sa qualité gustative au sens strict mais aussi aux autres expériences sensorielles, affectives ou même sociales qu’évoque la rencontre avec cet aliment. De telles observations ont conduit Jacques Puisais à développer depuis les années 70 une véritable « pédagogie du goût » autour des 5 sens, initiative portée aujourd’hui par l’Institut du goût qui oeuvre notamment à l’éveil au goût chez les enfants en bas âge.
Le principe d’action de la pédagogie du goût s’appuie principalement sur des « classes du goût » proposées à des enfants de 7 à 12 ans. Le modèle proposé par l’institut s’articule en 8 séances (10 dans des versions plus récentes) au cours desquelles l’enfant fait des expériences encadrées mobilisant tour à tour ses 5 sens. Il apprend à reconnaître une sensation et à la décrire. Le but est de lui donner les éléments pour identifier et reconnaître une grande variété de goûts tout en les inscrivant dans un contexte agréable. Il est aussi amené à préparer certains aliments pour les cuisiner, toujours dans la perspective d’un éveil de sa curiosité. Au terme des 10 séances, l’enfant aura découvert des aliments et des expériences nouvelles. Les progrès issus de ces expériences doivent permettre de faire tomber certains tabous et rejets alimentaires, par exemple envers les légumes ou les aliments amers.
Face aux problèmes de société liés à l’alimentation comme l’obésité infantile, l’éducation sensorielle des enfants semble primer sur l’éducation nutritionnelle classique. Sa pédagogie active permet un ancrage durable des notions enseignées et aiguise la curiosité des enfants, qui s’interrogent par la suite spontanément sur l’origine et le mode de culture des aliments qu’ils rencontrent comme on leur a appris. Chez Fauve, nous souhaitons nous aussi mettre en place ce type de classe. Nous sommes porteurs d’un projet en Moselle avec la Mairie de Porcelette pour la mise en place d’une pédagogie du goût dans les écoles primaires, qui mettra fortement l’accent sur la cuisine et la dégustation et qui sera aussi adressée aux parents afin de développer un environnement alimentaire cohérent autour des enfants, au delà de la salle de classe. Nous croyons en effet beaucoup à la sensibilisation des plus jeunes pour une diffusion durable des principes de l’alimentation citoyenne.
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